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Message davril 2023 ou « Voilà comment mon film commence »
« Voilà comment mon film commence
Souriant je mavance vers toi
Un mètre quatre-vingts
Des biceps plein les manches
Je crève lécran de mes nuits blanches
Où je me fais du cinéma
» (Le cinéma 1962)
Je pense que comme moi vous avez délaissé provisoirement le grand écran des salles obscures au profit du petit écran de votre salon pour visionner lémission exceptionnelle consacrée à Claude par la chaîne LCP : RembobINA.
On ne voit pas passer les deux heures de cette émission et on en redemande encore.
Pour moi, le plus grand moment a été la rediffusion de lémission réalisée par Dirk Sanders, diffusée pour la première fois le 12 janvier 1969 à 22h20 « Une fois nest pas coutume ».
Cétait en effet un événement unique car on y voit Claude accompagné par 2 batteurs (René Nan et Daniel Humair), le fidèle Luigi Trussardi à la basse et aux claviers par Maurice Vander et Eddy Louiss.
Cest Maurice Vander qui est à lorgue pour certaines chansons, notamment Sing Sing song, mais il ny a aucun doute : cest Eddy Louiss qui intervient dune manière sublime dans cette version exceptionnelle de Paris mai.
Cest justement Eddy qui avait fait connaître à Claude le thème Flomela qui lui a inspiré le texte de cette chanson. Eddy a enregistré Flomela en 1967. On peut toujours trouver ce disque dans le commerce car il a été réédité en CD par Dreyfus Jazz en 1996.
Claude tient à mettre les choses au point à propos de cette chanson sur le sens de laquelle certains se sont mépris. Ce nest pas un texte engagé sur le plan politique mais sur le plan poétique. Claude sinterroge sur le sens profond de la vie humaine en refusant tout recours à la violence :
« Je ne veux plus cracher dans la gueule à papa
Je voudrais savoir si lhomme a raison ou pas
Si je dois endosser cette guérite étroite
Avec sa manche gauche, avec sa manche droite
»
Suite à cette méprise, Claude a banni cette chanson de son répertoire durant de longues années. Il ne la reprendra que dans les années 90. On en trouve en effet une nouvelle version sur lalbum de 1995 « The best de scène ».
Cette émission nous permet dentendre de nombreuses chansons de Claude captées lors démissions de télévision. Christian Laborde voulait aussi insister sur les autres talents de Claude : le dessin et la danse.
On revoit aussi quelques interviews marquantes.
Ainsi, celle de réalisée en 1964 par Denise Glaser (célèbre productrice de lémission musicale «Discorama ») suite au passage triomphal de Claude à lOlympia.
On retrouve ensuite Claude en 1971 avec Pierre Bouteiller. Je crois que cest Pierre Bouteiller qui a fait connaître à Claude le thème de Neal Hefti Girl talk (qui deviendra Dansez sur moi) car cétait lindicatif de son émission « Le magazine de Pierre Bouteiller » sur France Inter.
Je crois que Pierre Bouteiller provoque un peu Claude lorsquil lui demande ce quil pense de Léo Ferré.
La réponse de Claude est sans équivoque. Il reconnaît quil appréciait « le premier Ferré » mais ajoute « Ferré est un violent, moi je suis fondamentalement non violent » et « Ferré est un incroyant, moi je suis un croyant » ;
A ce propos, je vous rappelle que nous avons étudié la quête de spiritualité chez Claude lors du colloque de Cîteaux de novembre 2019 « Lamour sourcier » magistralement animé par notre ami Jacques Bonnadier.
Nous y sommes revenus en juin dernier au Collège des Bernardins à Paris en étudiant plus spécifiquement la longue correspondance entretenue par Claude, prétendu mécréant, avec le maître Verrier Henri Guérin, fervent catholique. Les lettres étaient lues par Hélène, la sur cadette de Claude et par Sophie Guérin, fille dHenri.
Claude proclame son amour des mots : « Je suis venu à la chanson pour faire resplendir la langue française ». Cest dailleurs la « mission » que lui avait confiée Jacques Audiberti.
On pourrait relever toutes les phrases de Claude. En voici une à propos de la nécessité vitale pour lui de se produire sur scène :
« Il me semble que parfois en scène je deviens beau. »
Il nest donc pas étonnant, comme lexplique Agnès Chauveau de lI N A, que Claude ne se sentait pas très à laise sur les plateaux de télévision. Il détestait le playback et supportait assez mal les contraintes liées à la technique. Dans certaines émissions, telles « Le Grand Echiquier » de Jacques Chancel, il lui était pénible de devoir attendre une heure entre ses deux passages à lantenne.
Claude le dit franchement : contrairement à ce qui se passe en concert lorsquil est au milieu de ses musiciens, à la télévision « au lieu de me donner, je me montre ».
Il y a pourtant une séquence que jai trouvée émouvante : cest linterview de Claude convalescent (suite à son grave accident de voiture du 9 juin 1963) dans la chambre de sa fille Cécile alors âgée de deux ans. La télévision française devait considérer que Claude était un personnage important puisque, pour mener cette interview, elle avait dépêché Jean Nohain en personne. Jean Nohain dit « Jaboune » est en effet un pionnier des variétés françaises à la télévision. Il est notamment le producteur et animateur de lémission culte des années cinquante « 36 chandelles ».
Lémission se termine par de grands duos que vous connaissez certainement, mais on ne se lasse pas de les voir : Claude interprète Armstrong avec Al Jarreau, Les Don Juan avec Michel Legrand, Le rouge et le noir avec Barbara.
Il y a une séquence que personnellement je navais jamais vue : Claude interprétant Lacteur de Jean Cocteau en compagnie de Jacques Higelin.
Claude est très convaincantaussi quand il interprète les textes des autres. Cest un talent qui na sans doute pas assez été mis en valeur.
Pour ceux qui nauraient pas eu la chance de voir cette émission danthologie et pour tous ceux qui comme moi voudraient la revoir encore, voici une bonne nouvelle. Cette émission reste disponible sur la chaîne LCP jusquau 13 avril. Jen profite pour remercier notre chère amie Annick qui a attiré mon attention sur cette prolongation inattendue.
Rembob'INA - Claude Nougaro, au commencement était le vierbe - Ep.17 2023 | LCP - Assemblée nationale
Je me dois aussi malheureusement de vous parler dune nouvelle beaucoup moins réjouissante qui nous est parvenue il y a quelques semaines : le décès de Marcel Amont, né comme Claude en 1929. Marcel Amont a été lun des premiers interprètes de Claude. Vous trouverez quelques unes des chansons que Claude lui a écrites dans le volume 2 du CD « Claude Nougaro et ses interprètes 1956-62 » : Le tango des jumeaux, Le monsieur qui volait, le balayeur du roy.
Cest lui aussi qui a créé en 1962 Le jazz et la java que Claude reprendra lui-même la même année sur son premier album Philips (avec Une petite fille, le cinéma
).
A la fin des années cinquante et dans les années soixante, Marcel Amont était une très grande vedette et je crois que cest lui qui a permis à Claude de faire ses débuts sur scène en lemmenant en tournée pour chanter trois chansons en première partie.
Nous avions eu le plaisir de le revoir lors de linauguration de la Place Nougaro à Paris le 28 novembre 2019.
Cest justement à Paris quil faudra vous rendre jusquau 23 avril inclus si vous voulez voir Grégory Montel et laccordéoniste Lionel Suarez dans la pièce de Charif Ghattas Ici Nougaro. Cela se passe au Théâtre de lAtelier dans le 18 ème arrondissement.
Grégory Montel était sur France Inter le lundi 20 mars pour parler de cette pièce, mais surtout pour commenter la chanson de Claude Assez qui hélas est plus actuelle que jamais :
« Arrêtez votre humanerie
Assez ! Assez ! »
Grégory Montel raconte "Assez" de Claude Nougaro (radiofrfance.fr)
A bientôt - Bien à vous - Raymond Lernould