Le plus désolant dans lhommage posthume est quil arrive trop tard.
On aurait tellement voulu quil soit entendu de celui qui le motive. Quil puisse, enfin en fin , mesurer ladmiration, les louanges ou la gratitude qui lui étaient adressées dans le secret des pudeurs amies. Quil sache, limpardonnable lâcheur, combien on la aimé, combien il va manquer.
Eh bien non. Trop tard. Il ne saura jamais.
Cest chaque fois la même chose. Les honneurs arrivent après, et avec eux les regrets.
On ne peut pas dire, pourtant, que Bernard Pivot ait été, de son vivant, privé déloges ou dattention. La célébrité et le succès ont fait de lui un personnage public. Je ne le connaissais pas. Je lai seulement croisé deux fois.
La première fois, cétait en 2002, à la Sorbonne. Jétais venu photographier le centenaire de la Mission Laïque Française dont il était lordonnateur. Jai vu un homme simple et accessible qui ma, en toute conscience, offert cette très belle composition avec Claude Nougaro sous le tableau Poesis. Jaime toujours cette photo et jai aimé lil à la fois sage et malicieux de Pivot.
Claude Nougaro et Bernard Pivot dans les coulisses du grand amphithéâtre de la Sorbonne.Je lai revu par hasard quelques années plus tard. Javais un rendez-vous matinal au Café de la Mairie, place Saint-Sulpice, où il avait ses habitudes. Il était au comptoir, derrière un café croissant, en train de dévorer dans LÉquipe les pages football.
Jai compris ce jour-là que la littérature ne métait plus interdite. Cette seule image de Pivot lisant LÉquipe a suffi à casser le déterminisme social dont je me croyais prisonnier. Il était possible daimer le football et les livres. De tutoyer le peuple et lélite. Il existait quelquun, entre les intellectuels admirés, à qui je puisse parler.